QUATREPATTES, Pierre (ca. 1795-?)

Biographie
Né vraisemblablement en Gaspésie à la fin du XVIIIe siècle, Pierre Quatrepattes est d’origine Mi’kmaq.

Comme beaucoup d’individus pauvres au Québec avant le milieu du XIXe siècle, Quatrepattes ne semble pas lettré: lors du mariage de sa fille en 1830, il déclare ne pas savoir signer.

En août 1849, Quatrepattes est arrêté pour avoir tué son gendre, Jean-Baptiste Caplan. Caplan est également d’origine Mi’kmaq. Le meurtre se produit dans la cabane qu’ils occupent tous à Métis, lors d’une querelle autour de qui était maître de la cabane. Les deux sont ivres, viennent aux coups et Quatrepattes blesse Caplan mortellement avec un couteau dont il se servait pour manger. Marie Quatrepattes, la fille ainée de Pierre et l’épouse de Caplan, est présente, de même que des enfants du couple Caplan-Quatrepattes.

Pierre Quatrepattes s’enfuit, mais revient après deux jours et est arrêté pour le crime. Le juge de paix André-Elzéar Gauvreau, futur maire de Rimouski, l’envoie à Québec pour être incarcéré dans la prison commune en attendant son procès. Pour des raisons encore inconnues, le procès ne se tient qu’en janvier 1851. Quatrepattes croupit donc pendant presque dix-huit mois dans les cellules peu invitantes.

Devant le tribunal du Banc de la reine, Quatrepattes est accusé de meurtre. À cette époque, il s’agit d’un crime dont la punition est nécessairement la pendaison. Lors du procès, sa fille Marie témoigne contre lui. Tout en confirmant que son père avait bien tué son mari, elle déclare que c’est Caplan qui était l’instigateur de la querelle et que si Quatrepattes n’avait pas tué Caplan, il aurait été tué par son gendre. Le jury est convaincu et trouve Quatrepattes coupable d’homicide involontaire (manslaughter). Ce verdict amène le juge Philippe Panet à imposer une sentence de dix-huit mois d’emprisonnement aux travaux forcés, au lieu de la pendaison.

La cause est emblématique du changement de statut des autochtones du Québec face à la justice criminelle. Jusqu’au début du XIXe siècle, ils étaient traités à part, dans une justice presque parallèle et cela, encore plus quand il s’agissait de crimes entre autochtones. Avec les tentatives progressives de les « civiliser », ils se trouvent de plus en plus considérés comme étant entièrement sujets à la justice criminelle ordinaire.

Après sa sentence, Quatrepattes retourne donc à la prison de Québec purger sa peine. À l’automne, sa fille, Marie, se déplace à pied à Québec, une distance de plus de 350 km, accompagnée de ses enfants. Elle remet une pétition au gouverneur de la Province de Canada, Lord Elgin, rédigée à l’aide de l’avocat Charles Secretan, jeune criminaliste de Québec. Dans la pétition, Marie prie que son père soit libéré. Elle affirme de nouveau que le combat était la faute de son défunt mari, un homme d’une disposition très violente et un alcoolique. Elle plaide également que sans son père, elle est seule à supporter une famille nombreuse. Dans leurs rapports au gouverneur Elgin, le juge Panet et le procureur général Lewis Thomas Drummond soulignent tous les deux le caractère involontaire de l’homicide et le temps considérable que Quatrepattes a passé en prison en attendant son procès. Elgin exerce alors la prérogative royale et ordonne la libération immédiate de Quatrepattes, le 18 novembre. On perd sa trace par la suite.

La date de décès de Pierre Quatrepattes est inconnue.

Il avait épousé à Rimouski le 2 janvier 1815, Anne Millier, également d’origine Mi’kmaq. Le couple avait déjà eu Marie en août 1814 et eut au moins cinq autres enfants par la suite. Anne Millier est décédée en 1839 à l’âge de 50 ans.

– Donald Fyson, juin 2015

Bibliographie

Études

  • FYSON, Donald. «Minority Groups and the Law in Quebec, 1760-1867». Dans G. Blaine BAKER et Donald FYSON, dirs., Essays in the History of Canadian Law. Volume XI: Quebec and the Canadas (Toronto, Osgoode Society for Canadian Legal History et University of Toronto Press, 2013), p. 278-329.

Sources

  • Bibliothèque et Archives Canada, RG4 C1, vol. 304, dossier 2149 <http://heritage.canadiana.ca/view/‌oocihm.lac_reel_h2640/326>
  • Bibliothèque et Archives nationales du Québec, «Le fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle», <http://www.banq.qc.ca/archives/genealogie_histoire_familiale/ressources/bd/‌instr_prisons/prisonniers/index.html> (transcription des registres de la prison commune de Québec, BAnQ-Q E17,S1).
  • Quebec Mercury 25 et 27 janvier et 22 février 1851 <http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/1875218>