COYLE, Mary (ca. 1814-1846)

 

Biographie

Née en Irlande vers 1814, Mary Coyle est la fille de Peter Coyle et de Mary Brennan.

À une date inconnue, Coyle quitte l’Irlande pour émigrer au Canada. À partir de 1830, elle est incarcérée à de nombreuses reprises dans la prison de Québec – presque 80 fois entre 1830 et 1846, pour des périodes variant de huit jours à deux mois. Elle est presque toujours accusée d’avoir été « loose, idle and disorderly », c’est-à-dire immorale, fainéante et désordonnée. Ce délit couvre une multitude de comportements indésirables, allant du vagabondage à la prostitution. La moralité bourgeoise du XIXe siècle est de moins en moins tolérante des femmes comme Coyle qui ne se conforment pas aux idéaux féminins. Au total, elle passe plus de la moitié de sa vie, entre 1830 et 1846, en prison.

Coyle fait partie d’un groupe restreint de femmes dites «désordonnées», en majorité d’origine irlandaise, souvent des prostituées, qui forment une forte proportion de la population féminine de la prison de Québec. Dès 1829, un pavillon séparé est désigné comme prison des femmes. La prison est beaucoup plus qu’un simple lieu de punition. Elle sert également de refuge, dans une ville où il y a peu de recours pour des femmes pauvres et jugées immorales et où les hivers sont longs. Plusieurs femmes demandent même à être incarcérées de leur propre chef, pour éviter de mourir dehors. Dans la prison, la plupart de ces femmes, comme Coyle, sont soumises aux travaux forcés. Le régime est moins dur qu’on pourrait penser : pour les femmes, il s’agit de quelques heures de couture par jour, ou l’épluchage d’une quantité assez limitée d’étoupe (des vieilles cordes en chanvre utilisées pour confectionner du calfeutrage pour les navires).

Coyle sort de l’ombre de l’histoire en 1837, quand elle fait partie d’un groupe de femmes qui signe une pétition contre la matrone de la prison des femmes, Elizabeth Cooke et son mari, Thomas. La pétition, envoyée au gouverneur de la colonie, Lord Gosford, accuse les Cooke d’un ensemble de méfaits. Entre autres, selon les pétitionnaires, ils imposent des punitions arbitraires aux prisonnières et ils leurs vendent illégalement des provisions, à fort prix. Elles affirment également que les Cooke sont des ivrognes qui se battent constamment entre eux, au point que ce sont les prisonnières qui doivent les séparer. Il s’agit d’un exemple clair d’une volonté de la part de ces femmes prisonnières de résister à une administration carcérale qui ne gère pas correctement « leur » prison. La résistance a toutefois ses limites. Le gouverneur Gosford ordonne au shérif William Smith Sewell, ultime responsable de la prison, de faire enquête. Son rapport blanchit les Cooke et si Thomas quitte assez rapidement l’emploi de la prison, Elizabeth reste en poste comme matrone jusqu’en 1840. Quant à Mary Coyle, elle retourne à sa routine d’incarcération, libération et incarcération encore.

Cette vie difficile finit par tuer Mary Coyle. Elle est décédée à l’Hôtel-Dieu de Québec, le 8 avril 1846, à l’âge de 32 ans. Elle avait été incarcérée une dernière fois le 16 mars, pour deux mois de travaux forcés, à sa propre requête. Le registre de la prison n’indique pas la date de son transfert à l’Hôtel-Dieu, mais vraisemblablement elle est devenue malade lorsqu’elle était en prison (mais pas nécessairement à cause de ses conditions d’incarcération). Même si la prison des femmes servait de refuge, c’était loin d’un refuge idéal pour des femmes comme Mary Coyle.

– Donald Fyson, juin 2015

Images

Première page de la pétition à laquelle a participé Mary Coyle en 1837

Documents bibliographiques

Études

  • FYSON, Donald. «Réforme des prisons et société carcérale: la prison de Québec, de 1812 à 1867». Dans Louisa BLAIR, Patrick DONOVAN et Donald FYSON, Des barreaux de fer aux étagères: une histoire du Morrin Centre (Québec, Septentrion, 2015) (à paraitre).

Sources

  • Bibliothèque et Archives nationales du Québec, «Le fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle», <http://www.banq.qc.ca/archives/genealogie_histoire_familiale/ressources/bd/‌instr_prisons/prisonniers/index.html> (transcription des registres de la prison commune de Québec, BAnQ-Q E17,S1)